Louis-Michel
Lepeletier de Saint Fargeau : un marquis au service du peuple +
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C’est sur un vaste
domaine, comprenant un château et une partie importante de la forêt
de Maudam (appelée ensuite Mautemps puis Montant, située près du
village de Mesnil ou Mesnil Montant), acheté en 1695, qu'Etienne
Michel Lepeletier de Saint Fargeau, originaire du village de Saint
Fargeau dans l’Yonne fit construire un deuxième château. Le
domaine, d’une superficie de 44 hectares, serait aujourd’hui
délimité par les rues de Romainville, Pelleport, Surmelin, et le
boulevard Mortier . Le parc était traversé par de grandes
allées : aujourd’hui les rues Saint -Fargeau, Haxo, Borrégo
et Télégraphe.
Louis Michel Lepeletier
de Saint Fargeau habita quelques temps le château de son père. En
1783, il délaissa ce bien et vendit la partie boisée du parc.
Suzanne, sa fille, la seule héritière de la propriété vendit en
1802 tout le domaine. Ce dernier fut totalement démantelé et les
châteaux rasés. Aujourd’hui il ne subsiste aucune trace de la
propriété, hormis les quelques arbres du cimetière de Belleville,
et la plaque commémoratrice posée devant l’église de Notre- Dame
de Lourdes, rue Pelleport.
Louis-Michel Lepeletier
(1) est né le jeudi 29 mai 1760 dans l’Hôtel d’une
famille noble, situé rue Sainte Catherine à Paris d’un mariage
entre Etienne Michel Lepeletier et Louise Suzanne Lepeletier de
Beaupré.
Son père a la qualité
de « chevalier comte de Saint Fargeau, baron de Péneuze,
seigneur de Pont Rémy, gouverneur et grand bailli de Gien pour le
roi » dans l’acte de naissance de son fils.
Le contexte qui l’a vu
naître est traversé par des turbulences multiples : le règne
de Louis XV et la guerre de sept ans entrainant la ruine du pays.
Voltaire, Rousseau deviennent les penseurs incontournables.
Tout au long de sa
jeunesse et de ses études, Louis-Michel Lepeletier a comme
précepteur Moutonnet de Claifons, un homme qui se disait auteur et
« censeur royal » et ami de Rousseau. Jussieu lui rend
souvent visite. Il est scolarisé au collège des Oratoriens de
Juilly.
Etienne Michel Lepeletier
souhaite transmettre son engagement à son fils Michel alors âgé
de 10 ans. Il lui fait prêter serment pour affirmer sa « haine
de l’arbitraire » et son « attachement aux biens de la
patrie et de ses concitoyens ». Cette influence du père sur
son fils a d’autres effets. Celui de le rendre cultivé et à
l’écoute des autres « Je donnerais beaucoup de choses
pour que notre père pût ressusciter et me manifester ses sentiments
sur ce que j’ai fait pour la révolution, lui qui était si plein
de la grandeur de la liberté romaine » dit-il à son
précepteur Moutonnet de Claifons.
Il se marie à 20 ans
avec Adélaïde Joly de Fleury, fille de Joseph Omer Joly de Fleury,
avocat général au Parlement de Paris. De cette union est née une
fille : Suzanne. Son épouse meurt le jour de l’accouchement.
Sur les traces de son
père
Fidèle à l’exemple de
son père, héritier de sa charge nobiliaire, Louis- Michel
Lepeletier fait carrière dans la magistrature. Le 1er
août 1785 il vend sa charge d’avocat général et est admis par
la cour à remplir celle de président à mortier vacante depuis la
mort de son père. Il vient ainsi à l’âge de 25 ans, prendre
place au « grand banc » du parlement où seuls pouvaient
s’asseoir le premier président, les présidents à mortier, les
princes du sang et les pairs de France .
Très rapidement il se
fait remarquer par une éloquence rendant très pertinents son
discernement, sa droiture et son sens de l’équité.
1788 est une année
difficile. Louis- Michel Lepeletier apporte son soutien aux
habitants de ses propriétés en puisant dans ses coffres et en
refusant le produit de ses loyers.
1789 confirme
l’engagement de Louis-Michel Lepeletier au service du peuple. Deux
jours après le serment du Jeu de Paume, 151 membres du clergé, et
47 membres de la noblesse rejoignent le Tiers Etat. Parmi eux :
8 députés de la noblesse de Paris sur 10, dont Louis-Michel
Lepeletier.
La nuit du 4 août 1789,
marquée par l’abolition des privilèges, est l’occasion de
prouver son attachement à l’idéal révolutionnaire en appliquant
les décrets votés. Le 8 août 1789, il engage une démarche pour
faire supprimer de ses propriétés la référence à ses armoiries,
ses titres, ses préaux seigneuriaux et ses droits. Il accompagne
cette démarche de dons et d’actes de bienfaisance aux habitants de
ses propriétés.
L’œuvre de Louis
Michel Lepeletier
Un sujet passionne
Michel Lepeletier : la réforme du Code pénal et tout
particulièrement l’abolition de la peine de mort. Il défendra son
projet soutenu par Robespierre à la tribune de l’Assemblée. La
réforme du Code Pénal sera adoptée sans l’abolition de la peine
de mort.
Louis-Michel Lepeletier
est très lié à Robespierre et Saint Just qui l’apprécient pour
son engagement et le dépassement de ses origines.
La Convention Nationale
se réunit le 21 septembre 1792. Ses premières décisions sont de
voter la déchéance du roi et de proclamer la République.
Louis-Michel Lepeletier vote les deux propositions. Le 28 septembre
1792, il est admis au Club des Jacobins, situé dans l’église des
Jacobins rue Saint Honoré. Le 17 novembre 1792, il est élu, pour
quinze jours président du club des Jacobins. Juste avant, il a été
le secrétaire du bureau présidé alors par Danton.
Il s’installe à Paris
où il vit retiré, très absorbé par son engagement et la
préparation de son « plan d’éducation nationale ». Il
rédige alors un mémoire dans lequel il résume ses idées sur
l’éducation de l’enfance. Robespierre retiendra son projet et le
présentera à la Convention le 13 juillet 1793.
Louis-Michel
Lepeletier et le procès du roi
Lors du procès du roi,
Michel Lepeletier joue un rôle remarqué et décisif. Ses propos,
selon des témoignages de députés, ont un effet sur quelques
hésitants. Il est du nombre des députés qui ne pouvant pas,
certains jours, aborder la tribune, donnent leur opinion sous la
forme de mémoires distribués à la Convention. Le 20 janvier 1793,
mettant en application sa théorie sur l’abrogation de la peine de
mort, mais qui exclut le roi déclaré ennemi public, il vote sa
peine de mort.
Louis-Michel
Lepeletier : premier martyr de la Révolution
Le 21 janvier 1793, en
quittant la Convention, Louis-Michel Lepeletier se rend à
l’imprimerie nationale pour déposer son manuscrit sur l’abolition
de la peine de mort. Puis comme tous les jours, il va au Palais
Royal, le lieu le plus animé de Paris. Puis dans le restaurant
Février, 113, galerie de Valois (n° 9). Il s’y installe, seul.
Vers 5h de l’après- midi, Paris, ancien membre de la garde
nationale constitutionnelle, tira alors un poignard qu’il tenait
caché sous son vêtement et le plongea dans le corps de Louis-
Michel Lepeletier en disant « Scélérat voici ta
récompense ».
Les Jacobins exaltent la
mémoire de leur ancien président. Robespierre prononce le 23
janvier 1793 au soir, un éloge funèbre qui, d’après des
témoignages de l’époque, fut un de ses meilleurs discours .
L’émotion causée par la mort de Michel Lepeletier n’est pas
seulement ressentie par la capitale. Même dans les villes où il
n’est pas connu personnellement, des fêtes civiques sont
organisées en son honneur. Le peuple français par
l’intermédiaire de la convention adopte sa fille Suzanne à
l’occasion d’une cérémonie symbolique. Le 24 janvier 1793 une
cérémonie à l’image des grandes fêtes révolutionnaires conduit
Louis-Michel Lepeletier jusqu’au Panthéon où il fut inhumé.
29 mars 1793 le peintre
Jean Louis David, peint une représentation de « Louis
Michel Lepeletier de Saint Fargeau sur son lit de mort ».
Le tableau est installé avec un autre tableau La mort de Marat
dans la salle de séance de la Convention. La mort de Marat vient
exalter un peu plus la ferveur patriotique du culte rendu à Louis
Michel Lepeletier de Saint Fargeau . Désormais les deux noms
devinrent inséparables. Les bustes des deux martyrs, comme ceux de
Rousseau et de Voltaire, sont installés dans les théâtres, aux
Jacobins, à la Convention, dans les municipalités.
Il ne reste rien de ces
hommages rendus « au premier martyr de la patrie ». La
Terreur, la volonté de faire disparaître de la mémoire collective
les proches de Robespierre contribuent à l’effacement de toutes
les représentations. Le 15 février 1795, la Convention décide
l’exhumation de Louis-Michel Lepeletier du Panthéon. Son corps est
alors extrait du monument à 7h du soir, et remis à Félix
Lepeletier son frère par le commissaire Parot. Les restes de
Lepeletier de Saint Fargeau furent transportés dans le parc du
château de Ménilmontant. En 1802, sa fille Suzanne vend tous les
biens : l’hôtel parisien, le château de Ménilmontant et la
très importante bibliothèque comprenant de nombreux livres rares.
Ses restes sont alors transportés dans la chapelle du château
de Saint Fargeau dans l’Yonne .
Louis-Michel Lepeletier
compte parmi ses descendants l’académicien Jean d’Ormesson, né
à Saint Fargeau (Yonne).
(1)Le 19 juin 1790
Louis-Michel Lepeletier fait voter par l’assemblée une motion
supprimant pour les nobles, la référence aux lieux dont ils sont le
seigneur. Par respect pour sa décision, nous le nommerons tout au
long de cet article Louis-Michel Lepeletier.
Gérard Blancheteau