Au
Cimetière du Père Lachaise (Division 9) + DEUX PHOTOS
Plongée
dans le Surréalisme avec Hans Bellmer (1902-1975) et Unica Zürn
(1916-1970)
Né le 13 mars 1902 à
Kattowitz, en Silésie allemande, Hans Bellmer fuit une enfance
morose pour se réfugier dans l’imaginaire artistique, en compagnie
de son frère Fritz. Inscrit, contre son gré, par son père, dans
une école d’ingénieurs berlinoise, Bellmer, côtoie les
spartakistes et fréquente les Dadaïstes. Il abandonne l’université
technique en mai 1924, et, sur les conseils du peintre George Grosz,
entame une formation de typographe. Devenu illustrateur aux éditions
Malik-Verlag, il rencontre une première fois les surréalistes lors
d’un voyage à Paris en 1925-1926. De retour à Berlin, il ouvre
une agence publicitaire, et, en 1928, se marie avec Margarete
Schnelle. En 1933, à l’arrivée du pouvoir des nazis, Bellmer
décide de ne plus rien faire qui puisse être utile à l’État et
ferme son entreprise.
L’inventeur de la
poupée Bellmer
En 1934, il conçoit sa
célèbre « poupée », sculpture d’1 mètre 40,
représentant une jeune fille chaussée d’escarpins noirs sur des
chaussettes blanches, aux membres articulés autour d’une grosse
boule représentant l’abdomen, et pourvue d’un cou amovible.
Exhibée par le pouvoir dans les expositions d’« art
dégénéré », l’œuvre, qui sera abondamment analysée par
les psychanalystes comme une projection sadomasochiste, permet, selon
son créateur, d’accéder à la mécanique du désir, et
fera l’objet d’infinies variations.
Bellmer, dont la femme
meurt, s’installe à Paris, et participe aux expositions
surréalistes. Ressortissant allemand, et donc suspect aux yeux de
l’administration, il est arrêté, et emprisonné au camp des
Milles, en Provence, en compagnie notamment de Max Ernst. Ayant
échoué à partir aux États-Unis, il se réfugie dans la
clandestinité jusqu’à la Libération. Il collabore ensuite avec
Paul Éluard (enterré dans la 97ème division), et publie
les images d’une seconde « poupée », dans le désormais
célèbre ouvrage Jeux de la poupée, paru en 1949.
Parallèlement, l’homme poursuit un travail intense
d’illustrateur et de graveur.
En 1953 Hans Bellmer
rencontre Unica Zürn
Née le 6 juillet 1916 à
Berlin-Grünewald dans un milieu fortuné, fille du
journaliste-voyageur Ralph Zürn, cette
dernière a d’abord été scripte aux studios de l’UFA (Universum
Film AG), puis, à partir de 1936, scénariste et réalisatrice
de films publicitaires. En 1942, elle épouse Erich Laupenmühlen,
avec lequel elle aura deux enfants, et qu’elle quittera en 1949.
Hans Bellmer et Unica
Zürn emménagent dans une modeste chambre de la rue Mouffetard, où
ils vivent chichement. Présentée par son nouveau compagnon au
groupe surréaliste, Unica réalise de nombreux dessins et
anagrammes. La jeune femme, qui abandonne rapidement la peinture,
décide de ne se consacrer qu’au dessin et à l’écriture, et
crée de nombreuses, et énigmatiques, chimères. Sa santé mentale
se dégrade rapidement, et elle fait plusieurs tentativesde suicide, entrecoupées
d’internements, en diverses cliniques, d’abord outre-Rhin, puis
en France.
Deux fins de vie
désolantes, rue de la Plaine
En 1969, Bellmer, suite à
une crise cardiaque, devient hémiplégique, et sombre dans un
mutisme définitif. Très affaiblie, Unica écrit alors Sombre
printemps, bref et bouleversant récit à la troisième personne,
relatant une enfance allemande, des premiers fantasmes sexuels ainsi
qu’une scène d’inceste. Début 1970, elle trouve la force de
composer Crécy, un journal de souvenirs, ainsi que son Livre
de lecture pour les enfants. Le 7 avril 1970, elle rédige une
lettre de rupture à Bellmer, puis se rend à leur domicile, au 4 rue
de la Plaine, au-dessus de l’actuel Monoprix-Nation, pour se jeter
dans le vide. Paralysé, Bellmer, qui souffre d’un cancer de la
vessie, meurt six ans plus tard, le 23 février 1975.
Les deux amants reposent
aujourd’hui ensemble, sous une dalle de marbre noir. Mon amour
te suivra dans l’Éternité (Hans à Unica), peut-on lire sur
leur tombe.
Etienne
Ruhaud