Démolition et
Reconstruction + DEUX PHOTOS
Le Foyer du 23 rue du Retrait
Depuis 1891, existait,
dans notre arrondissement, au 23 de la rue du Retrait, un vieil
immeuble qui était récemment utilisé comme foyer de travailleurs,
originaires le plus souvent du Mali.
Après l'évacuation de
ses habitants, ce bâtiment, magnifique de l’extérieur et assez
sordide de l’intérieur, est en cours de démolition. Il devrait
être remplacé par un nouveau foyer, répondant à des normes
d’accueil plus acceptables. Le foyer reste la propriété du groupe
Arcade et il est géré par Coalia.
Le nombre d’habitants
dépassait largement le nombre de lits attribués. Le foyer prévu
pour 240 habitants en hébergeait plus de deux fois plus. Les
travailleurs qui y vivaient sont partis au printemps dernier. Les
habitants titulaires et les plus anciens des sous-locataires, ont été
relogés par la ville de Paris, dans le 14ème
arrondissement. Il est resté une quarantaine de personnes sans
logement, et généralement sans papier, qui sont venus s’ajouter
aux sans abris de Paris, partis dormir sous des tentes vers le métro
la Chapelle.
Un mot sur l’histoire
du bâtiment.
Ce foyer était une
magnifique bâtisse du XIXème siècle, qui était cachée de la rue
par un large portail.
Le bâtiment a été
construit en 1891-1893 par les Pères Salésiens. Son architecte,
Zobel, s'est inspiré du modèle de la maison mère de la
congrégation à Turin. Il a abrité le renommé « Patronage de
Ménilmontant ». Il a donné lieu à une des chansons de
Maurice Chevalier (qui est né dans cette même rue) : c’est
nous les P’tits gars d’ménilmontant.
Il faut dire que tout au
long du XIXème siècle, les initiatives du christianisme social ont
été fortes. Fondé en 1877 par des étudiants membres des
Conférences de Saint-Vincent-de-Paul, le Patronage Saint-Pierre de
Ménilmontant, s’attache à l'éducation et la formation des
jeunes. Il est confié aux Salésiens en 1884. Ils ont commencé, au
29 de la rue du Retrait, avant de passer au n° 23, puis au n°15,
dans les locaux de l’actuel théâtre de Ménilmontant. Ce dernier
déménagement date de la fin des années 1920 avec la construction
du théâtre et de l’école actuels.
La
densité urbaine du 20e ne doit pas faire oublier que
l’ancien village de Belleville et les bourgades comme celle de
Ménilmontant, situés sur la colline la plus élevée de Paris, ont
été, jusqu’en 1860, plantés de vignes, avant de laisser place au
faubourg ouvrier rempli « de bruit et de fureur »
qui a joué un rôle de premier plan pendant la Commune de Paris en
1871. L’un de ces vignobles a donné son nom à un long chemin,
puis à une rue, dénommée « Rue du Ratrait ». C’était alors
une voie qui reliait Belleville à Charonne. Elle est devenue en 1877
la
«
Rue du Retrait ». Elle est aujourd'hui beaucoup plus petite mais
conserve une grande diversité sociale.
A
partir du début du XXème siècle, la politique anti-congréganiste
entraîne l'expulsion des Salésiens et la saisie de leurs locaux dès
1903. Le bâtiment est affecté à plusieurs destinations, dont celle
d’un centre de recherche de l’entreprise Thomson, avant de
devenir un foyer de travailleurs. Ce foyer était une des composantes
majeures de la vie collective de la rue et du quartier
Aujourd’hui le bâtiment
est en cours de démolition. La photo ci-contre donne une idée de la
beauté des arches.
Mince consolation,
l’Association « le Ratrait » a
obtenu la préservation des 60 mètres de balustrades (classées)
d’acier et de fonte qui ornaient le bâtiment. Elle espère
pouvoir recycler dans la rue ces balustrades classées, et conserver,
à ce titre une faible partie de ce patrimoine.
Bertrand Bellon