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Il y a 140 ans La Commune :Le terrible mois de mai de Belleville



Il y a 140 ans La Commune

Le terrible mois de mai de Belleville

Il était une heure de l’après midi, à l’angle des rues de Tourtille et Ramponeau, en plein Belleville, lorsque tomba la dernière barricade de la Commune. C’était le dimanche 28 mai 1871.

La barricade de la rue de Tourtille, le massacre des Otages de la rue Haxo et le bain de sang des Communards au Père Lachaise, forment l’ ensemble le plus marquant de l’histoire de la fin de la Commune.

Parmi les nombreuses têtes marquantes, nous en avons choisi deux : Louise Michel et Jules Vallès.

Entre mythe et nostalgie, le 20e est un quartier hautement symbolique de la Commune et des Communards.


 La Commune, un avatar de la défaite de 1870 038

Chute de l’Empire, siège de Paris, victoire des Prussiens et mise en place de la IIIe République : quelques dates scandent la secousse patriotique créée par la Guerre de 1870.

19 juillet 70 : Déclaration de Guerre à la Prusse. Paris est en fête : « Il flotte dans l’air un parfum de veloutine et de gardénia » (Jules Vallès). On est sous Napoléon III.

2 septembre : Capitulation de Napoléon III à Sedan.

4 septembre : Proclamation de la IIIe République sur la place de l’Hôtel de Ville de Paris

Du 19 septembre au 28 janvier 1871 : Siège de Paris par les Prussiens. Le 28 janvier Paris capitule.

8 février : Election de l’Assemblée nationale : Adolphe Thiers est nommé à la tête du gouvernement le 17 février.

1er mars : Défilé des Prussiens sur les Champs Elysées.

8 mars : L’Assemblée nationale supprime la solde des gardes nationaux ainsi que le moratoire sur les loyers et les dettes. Une décision insupportable pour le petit peuple…

L’affaire des canons

Tout était prêt pour déclencher une insurrection. Et, le 18 mars, en donnant l’ordre de désarmer la Garde nationale, qui dépend de Paris, et de faire enlever les canons rassemblés sur la Butte Montmartre, Thiers déclenche le soulèvement du Paris populaire.

« L’opération conduite avec vigueur, avant le lever du jour, par le général Lecomte réussit. Mais, les chevaux qui devaient emmener les pièces n’étant arrivés qu’à huit heures, la foule, ameutée par le tambour, force les postes établis pour la maintenir, et les gardes nationaux gravissent les pentes de la Butte, la crosse en l’air, en criant « Vive la ligne !». Les uns après les autres, les soldats fraternisent avec les insurgés…Le général Lecomte, fait prisonnier, et le général Clément Thomas sont fusillés ». (Marc-André Fabre, le massacre des Otages)

Thiers, craignant alors que la gangrène ne gagne ses troupes, ordonne leur évacuation totale et transfère le gouvernement à Versailles. Le lendemain, 19 mars, le Comité central est entièrement maître de Paris. Il le demeurera jusqu’au 27 mai, essayant d’étendre l’insurrection à la province et d’organiser à Paris une résistance efficace.

Pendant 70 jours, la Commune gouverne Paris

Le 26 mars, les insurgés élisent un conseil communal de 90 membres qui prend le nom de Commune de Paris. Mais il y eut incapacité politique des chefs de la Commune, il fallait administrer la ville ; il y eut aussi incapacité stratégique, il fallait défendre Paris. Tous les efforts de la Commune furent vains. La victoire ne pouvait que revenir au gouvernement légal mené par Thiers.

La Commune qui a gouverné Paris pendant 70 jours, s’est éteinte le 28 mai à une heure de l’après midi, à l’issue d’une guerre civile qui a opposé aux Fédérés de la Commune pendant une semaine l’armée des Versaillais, commandée par Thiers, chef du gouvernement, et le Maréchal de Mac-Mahon, responsable de l’armée. Ce fut, du dimanche 21 mai au dimanche 28 mai 1871, la Semaine sanglante qui fut la reconquête de Paris par les Versaillais. Le 28 au soir, l’histoire de la répression des communards commence.

Encadré

Quelques grandes idées sociales de la Commune

. La liberté d’association pour les ouvriers

. La séparation de l’Eglise et de l’Etat

. Fourniture gratuite des manuels nécessaires à l’instruction

.Tiré de Toupictionnaire, le dictionnaire de politique

Le 26, le 27 et le 28 mai, les heures sanglantes de Belleville

La reconquête de Paris s’étant faite d’ouest en est, les Versaillais ont obligé les Fédérés à reculer vers l’est. Les Buttes Chaumont, Belleville et le Père Lachaise ont été les derniers points de résistance à la progression versaillaise.

Dans cette lutte où le sang a coulé sans restriction, la guerre civile était partout, sporadique, simultanée, inorganisée, cristallisée, quartier par quartier autour de barricades. C’est dans ce contexte que se situent trois moments très racontés des dernières heures de la Commune.

Le massacre des Otages 033

Les Otages de la rue Haxo désignent 49 prisonniers des Fédérés qui partis de la prison de la Roquette ont été fusillés rue Haxo, dans l’enceinte de la Cité Vincennes. Les victimes comprenaient : 33 gardes de Paris, 2 gendarmes, 4 mouchards et 10 prêtres. Parmi les prêtres, il y avait trois Pères Jésuites et l’abbé Planchat.

Dans son Histoire de la Commune de 1871, Prosper-Olivier Lissagaray écrit : « Ces gendarmes, ces policiers, ces prêtres qui, vingt années durant, avaient piétiné Paris, représentaient l’Empire, la haute bourgeoisie, les massacreurs sous leurs formes les plus haïes ». Dans ce tableau, le clergé considéré comme le complice de la monarchie contre la liberté, occupait une place particulière.

Plusieurs récits de ce massacre existent ; ils racontent la longue marche des prisonniers. Le convoi emprunta la rue de la Roquette, le boulevard de Ménilmontant, la rue de Ménilmontant, la rue de Puebla (Pyrénées), la rue des Rigoles, la rue de Belleville et la rue Haxo et arriva en fin d’après midi au quartier général de la Cité Vincennes.

Le cortège des Otages ne fait que passer devant la Mairie de Belleville située juste en face de l’Eglise Saint Jean-Baptiste, au 136 de la rue de Paris, où certains auraient voulu qu’ils soient fusillés. Il ne reste absolument rien de cette mairie qui a fait place à la rue du Jourdain.


Voici ce que Jules Vallès a écrit dans l’Insurgé.

Vendredi. rue Haxo

- On va en descendre une nouvelle fournée !

- Qui ?

- Cinquante-deux calotins, gendarmes ou mouchards !

Les voilà !

Ils avancent silencieux, un haut et vieux brigadier en tête, droit devant lui, militairement… des prêtres suivant, gênés par leur jupe, forcés de trotter, à intervalles, pour reprendre leur rang. L’inégalité des allures n’empêche pas la cadence, et comme le : une ! deux ! d’une compagnie en marche.

La foule leur emboîte le pas, sans tumulte, ni fièvre encore.

Mais voici qu’une mégère glapit !... Ils sont perdus, ils n’en réchapperont pas !…

La fureur commence à courir sur le flanc du troupeau ! On entend une cantinière clamer : « à mort ! ».

Un feu de peloton, quelques coups isolés d’abord, puis une décharge longue, longue… qui n’en finit plus…

Ce récit du massacre éclaire d’un jour intéressant, un anticléricalisme ambiant qui faisait partie des « idées communardes ». Comme traces, il ne reste que quelques moellons du « mur » surmonté d’une dalle commémorative, posée en 1971 pour ceux qui ont été fusillés là : « Ils ne sont pas tous morts pour la même cause, mais ils ont partagé les mêmes souffrances et subi le même sort ».

Le grand massacre des Fédérés au Père Lachaise 048

Dans ses Contes du lundi, Alphonse Daudet qui n’était pas un partisan de la Commune a écrit un fort beau texte sur ce qui s’est passé au Père-Lachaise le 27 mai. Outre une description peu tendre des canonniers fédérés qu’il qualifie de « canonniers d’occasion, qui ne songeaient qu’à siffler leurs trois francs cinquante de haute paye », il raconte aussi ce qui s’est passé dans la nuit du 27 au 28 mai :

« Le cimetière a été fouillé tombeau par tombeau, mais le pire « c’est une longue file de gardes nationaux qu’on amenait de la prison de la Roquette… Ca montait la grande allée, lentement, comme un convoi. On n’entendait pas un mot, pas une plainte. Ces malheureux étaient si éreintés, si aplatis ! Il y en avait qui dormaient en marchant, et l’idée qu’ils allaient mourir ne les réveillait pas. On les fit passer dans le fond du cimetière, et la fusillade commença. Ils étaient cent-quarante-sept…. C’est ce qu’on appelle la bataille du Père-Lachaise ».

C’était dans la nuit contre le mur de clôture du cimetière du Père-Lachaise. Ce mur qui a été refait est toujours là, impressionnant avec sa plaque commémorative posée en 1908 qui est dédiée « Aux morts de la Commune ». Car la mémoire des hommes a réuni là, en pensée, tous les morts communards de la Semaine sanglante.

Rue de Tourtille, la dernière barricade de Paris               016

« Les derniers coups de fusil de la Semaine Sanglante seront tirés sur la barricade de la rue Ramponeau (rue de Tourtille, c’est selon !) où le seul survivant d’une escouade de Fédérés tiendra tête un quart d’heure durant à une horde de Versaillais le sommant de se rendre.

Tireur d’élite, celui-ci fracassera par 3 fois la hampe du drapeau hissé par les Versaillais, rue de Paris (l’actuelle rue de Belleville). Puis sans savoir que l’histoire lui décernerait le titre de « dernier soldat de la Commune », il se glissera parmi les décombres et échappera aux Versaillais.

Le 28 mai, à une heure de l’après-midi, la Commune avait vécu (Grande histoire de la Commune, tome 4, Paris 1971). Paris était en ruines, l’histoire de la répression des Communards et la reconstruction de Paris commençaient.

A cet égard, la plaque commémorative qui a été posée à l’entrée du Parc de Belleville, le 18 mars 2011, en souvenir « des derniers combats et en hommage aux hommes et femmes qui ont lutté pour la liberté et la justice », n’est pas bien placée. Sa place devait être au carrefour de la rue de Tourtille et de la rue Ramponeau, lieu de la dernière barricade. Mise rue Jouye-Rouve à l’entrée du Parc de Belleville, elle ne représente rien au regard de l’espace urbain insurgé de l’époque. Dommage, surtout que visuellement une gravure un peu tardive permet de se faire une bonne idée des lieux qui finalement n’ont pas beaucoup changé.

Par delà les lieux, trois monuments = photo 019

Etant donné le caractère de la répression menée par Thiers, « l’expiation au nom de la loi et par la loi », tous les souvenirs de la Commune auraient pu disparaître. Heureusement, il y a eu les traces laissées par la mémoire…Sans les estampes, les photographies (dont l’invention était récente), les écrits des journalistes, les récits oraux, le retour des exilés, la Commune aurait pu être totalement effacée de l’histoire de la France.

A cet égard, l’exploitation immédiate de l’image des ruines a permis d’occulter le message politique et social de la Commune pour ne retenir que sa folie meurtrière…Etrange époque où les touristes anglais préféraient venir voir les ruines de Paris bien plus « vivantes » que celles de Rome ou de Pompéi !

Trois monuments font souvenir de ces temps troublés : l’obélisque des Gardes nationaux du Cimetière de Belleville, dont certains ont été massacrés avec les otages de la rue Haxo, l’église Notre-Dame des Otages construite entre 1936 et 1938 et, provocation de son occupant (peut-être ?), le mausolée de Thiers qui a été construit au Père-Lachaise sur le terre-plein sur lequel les Communards avaient installés la batterie et la mitrailleuse qui tiraient sur la Ville.

Par delà la mémoire, les ambiguïtés

Au nom du sang versé, de la patrie, de la vérité ou du pardon, l’histoire de la Commune soulève beaucoup d’ambiguïtés qu’elles soient politiques, religieuses ou sociales. Les chiffres sont terribles :

. la bataille de rue menée durant la Semaine sanglante a représenté 10 000 ( ?) voire 20 000 ( ?) Fédérés, tout au plus, contre les 130 000 hommes, « les Versaillais » commandés par Mac-Mahon.

Le nombre total des otages qui ont été fusillés par les Communards n’est que d’une centaine, contre 15 000 à 17 000 exécutions sommaires commandées par Mac-Mahon. Sans compter les 70 000 condamnés aux travaux forcés, peines de prison ou déportations…

Selon une enquête conduite à la fin de l’année 1871 par le Conseil municipal républicain, Paris avait perdu près de 100 000 travailleurs, le septième de sa population masculine majeure. On sait aussi qu’il manquait quelque 90 000 inscrits sur les listes électorales.

L’histoire de la Commune est un sujet de réflexion très passionnant et il serait dommage de ne pas profiter du 140eme anniversaire pour « muscler » ses convictions et ses idées en la matière. (voir le calendrier des Festivités en page 15). Ne manquez pas la visite menée par Olivier Le Trocquer qui explique avec talent ce qui a rendu la mémoire difficile.

Anne Marie Tilloy

La Commune de Paris ou l’ultime exorcisme d’une violence inséparable de la vie politique française depuis 1790

Outre l’œuvre qui l’a fait largement connaître, « Penser la révolution » parue en 1978, l’historien François Furet, considéré comme iconoclaste par les gardiens du temple de l’interprétation marxiste-léniniste de ce moment-clef de notre histoire, a publié une mise en perspective critique intitulée « la Révolution de Turgot à Jules Ferry ». S’y insère naturellement un passage sur la Commune de Paris. Les quelques lignes ci-après tentent d’en présenter les principaux enseignements, soumis naturellement à l’appréciation de chacun.

La Commune fait l’objet d’un surinvestissement d’intérêt exceptionnel dans le cours de l’histoire de France compte tenu de sa brièveté (3 mois) et de son issue sanglante (défaite des insurgés, répression particulièrement lourde). Pour quelles raisons essentielles ?

Il s’agit, tout d’abord, du dernier affrontement armé de la guerre civile française, de la dernière scène de la Révolution au cours de laquelle Paris brûle (les Tuileries, l’Hôtel de Ville….). Elle permet aux Républicains d’effacer momentanément leurs échecs antérieurs (1848, 1851 en particulier). Cette guerre meurtrière (20 000 morts au moins) a permis de rejouer grandeur nature la régénération révolutionnaire ou contre-révolutionnaire de la société.

Par ailleurs, un grand évènement ultérieur, la Révolution russe de 1917, l’a transfigurée : les penseurs du socialisme révolutionnaire lui ont donné le rôle d’annonciatrice des révolutions « socialistes » du XXème siècle et ainsi lui ont permis de ne plus être considérée comme la dernière révolution française, bien qu’elle ne doive presque rien au socialisme marxiste-léniniste. En effet, ce sont les traditions politiques françaises (partagées à gauche principalement entre les radicaux, les jacobins, les proudhoniens, les anarchistes et quelques partisans de l’Internationale ouvrière…) et l’invasion étrangère (le patriotisme des Sans culottes) qui ont joué le rôle détonateur.

La Semaine sanglante a écarté pour longtemps tout danger insurrectionnel. A partir de ce constat et d’un réel consensus national autour d’élections législatives au suffrage universel, les Républicains non communards, plus «modérés » comme Gambetta ou Jules Ferry, alliés circonstanciels d’Adolphe Thiers, parviendront en quelques années à contourner les forces monarchistes et cléricales (divisées, mais largement majoritaires aux élections de janvier 1871) et à mettre en mouvement la IIIème république.

Pierre Plantade 


Louise Michel (1830-1905), une grande figure de la Commune                 + photo 028

« Communarde » ou « communeuse » célèbre, elle a connu la gloire de son vivant et une gloire posthume qui ne s’est jamais démentie : il s’agit de Louise Michel, qui, dans le langage d’aujourd’hui, serait sacrée « icône », mot qu’elle eût certainement récusé. Par contre, la référence à elle faite par le groupe de rock « Louise Attaque » aurait pu lui plaire !

Son portrait d’alors ? C’était une jeune femme brune, de taille moyenne, au visage ingrat, mais doté d’un large front et d’un regard ardent. Elle n’a pas de compagnon, on ne lui connaît pas d’amant, rien qu’une virile amitié avec Jules Vallès. Elle est « la vierge rouge ».

Institutrice et révolutionnaire

Née le 29 mai 1830 au château de Vroncourt (Haute-Marne), elle serait la fille du châtelain, d’aucuns disent du fils de celui-ci et de sa servante Marie-Anne Michel. Quoi qu’il en soit, elle est élevée par la famille dans de très bonnes conditions, bénéficiant d’une instruction qui lui servira plus tard.

Elle obtient son brevet d’institutrice en 1852 à Versailles et, aussitôt, ouvre une école « libre » à Audeloncourt, puis une seconde à Clefmont (Haute-Marne).

Elle arrive à Paris, en 1856, où elle enseigne dans le 18ème arrondissement.  Inlassable, elle y ouvre deux autres cours. Sa pédagogie est anticonformiste, le salaire est dérisoire et la « considération » nulle. Qu’importe, ses élèves l’adorent.

Elle fréquente les milieux révolutionnaires, écrit des libelles contre « Napoléon le petit ». Elle milite pour l’égalité des sexes (eh oui, ce n’est pas nouveau !). Elle est partout où règne l’injustice.

Pendant la Commune, la combattante

A partir d’août 1870, Louise Michel combat, jusqu’à la fin de sa vie. Elle est alors présidente du Comité de vigilance des citoyennes du 18e, dont le maire n’est autre que Clemenceau, puis membre du Comité de vigilance de Montmartre. Elle revêt l’habit de la garde nationale. Elle s’engage dans la bataille où on loue sa « vaillance militaire », elle fait le coup de feu au 61ème bataillon de Montmartre.

Quand les Fédérés élèvent des barricades, Louise n’est pas la dernière à y monter. Mais, avec l’effondrement de la Commune, elle est arrêtée et condamnée.

Après la prison, la déportation en Nouvelle Calédonie

Août 1871. Louise Michel, est incarcérée à Versailles dans la tristement célèbre prison des Chantiers. Jugée le 16 décembre 1871, Louise échappe à la peine de mort qu’elle revendiquait, et est condamnée « seulement » à la déportation en Nouvelle-Calédonie.

Elle embarque, avec une vingtaine de femmes sur le navire « La Virginie » où elles sont enfermées dans des espèces de cages. Le voyage dure quatre mois.

Après les cages de la Virginie, les prisonniers politiques sont enfermés comme les criminels de droit commun, les forçats, dans des cases. La moindre infraction à la discipline instaurée est sanctionnée avec pour certains les fers aux pieds.

Naturellement Louise « la rebelle » se montre à la hauteur de sa réputation. Elle insulte les gardes-chiourmes, intervient quand ils sont trop brutaux. D’autre part, elle entreprend d’instruire les Canaques, les soutient pendant leur révolte en 1878, ce que n’approuvent pas tous ses compagnons de misère.

Cinq ans passés à la presqu’île Ducos lui ouvrent le droit au transfert à Nouméa où Louise munie de son brevet d’institutrice, va enseigner dans les écoles de la ville sous la protection du maire.

Avec l’amnistie, le retour et les hommages

L’amnistie proclamée en 1880, le combat de Louise Michel n’est pas pour autant terminé. Accueillie triomphalement à Paris, elle part pourtant et ouvre à Londres une école libertaire, puis revient en 1895 dans la capitale.

Comme elle a acquis la stature d’une « grande figure révolutionnaire et anarchiste », de grands hommes lui rendent hommage : Victor Hugo, qui l’a déjà célébrée avec son poème « Viro Major », Clemenceau et d’autres encore. Cette « reconnaissance » ne lui tourne pas la tête. Sa cause première est celle de la condition des femmes. « Féministe » avant la lettre, elle prône l’égalité pour l’instruction, le travail, le salaire, et aussi l’indépendance vis-à-vis des hommes.

Militante jusqu’à son dernier jour, elle meurt à Marseille, le 9 janvier 1905.

Inhumée au cimetière de Levallois-Perret, son cercueil est suivi par une foule immense où les femmes portent un ruban rouge en son honneur.

A chaque anniversaire, sa tombe est fleurie où personnalités et inconnus s’y rejoignent, en témoignage.

Colette Moine

* Extraits du livre de Louise Michel : « La Commune. Histoire et souvenirs ».


 


Avec Jules Vallès, le Cri du peuple                   024

Né au Puy en 1832, mort à Paris en 1885, Jules Vallès est une grande figure du XIXème siècle. Résistant, réfractaire, insurgé, exilé, pauvre hère, écorché vif de la vie, Vallès a été un homme libre passionné du peuple et sa vie n’a été qu’une révolte.*

Personnalité phare de la Commune, il n’était pas du 20e, mais il a vécu à Belleville des moments forts des dernières heures de la Commune. Il était à la Cité Vincennes au moment du massacre des Otages qu’il tenta en vain d’empêcher et, défenseur pour l’honneur de la Commune qui vivait ses derniers moments, il commandait encore le dimanche 28 mai, la barricade qui fermait la rue de Paris à Belleville.

Un homme de conviction

Journaliste, il a fondé La Rue et Le Cri du Peuple. Ecrivain, il a écrit entre autres : trois romans autobiographiques : L’Enfant, Le Bachelier et L’Insurgé.

Paru en 1886, après sa mort, L’Insurgé est une magnifique façon d’entrer dans l’insurrection de la Commune. Tout y est : le déroulement des faits, les responsables avec leurs faiblesses et leurs grandeurs, le peuple, la misère de Paris, Paris en flammes; Vallès qui a beaucoup parcouru Paris a vu beaucoup de choses et, mieux, il a su les raconter.

Comme son héros Jacques Vingtras, son alter ego, Vallès est un homme pathétiquement attachant. Comme lui, il a dû quitter Paris. Là s’arrête l’histoire de Jacques Vingtras.

Jugé et condamné à mort par contumace, Jules Vallès rentra en France à la suite de l’amnistie de 1880. Mais, usé par une vie de luttes constantes, il n’avait que 52 ans lorsqu’il mourut le 14 février 1885. Des milliers de Parisiens ont suivi son corbillard, du boulevard Saint-Michel au Père Lachaise, le 16 février, dans un cortège improvisé et tumultueux. Les chroniques de l’époque rapportent que les immortelles déposées sur son cercueil formaient un tapis écarlate « semblable au rouge écarlate de la révolte ».

AMT

* Jules Vallès ou la révolte d’une vie de Max Gallo, 1988, éditions Robert Laffont

Photos et légendes

048

Le mur des Fédérés qui n’a eu droit qu’à une plaque commémorative. Depuis 1880, ce mur est devenu un lieu de pèlerinage.

016

Rue de Tourtille, la bataille au pied de la dernière barricade

033

Le massacre des Otages de la rue Haxo. Photomontage d’Eugène Appert.

019

Au cimetière de Belleville, l’Obélisque des Gardes nationaux

028

Louise Michel

Brune, un large front au regard ardent

024

Jules Vallès

038

Paris en flammes vu par des artistes d’aujourd’hui. Détail de la fresque réalisée, 119 rue de Ménilmontant par un collectif d’artistes dans le cadre de la commémoration des 140 ans de la Commune.

041 (Page 1)

Tombe par tombe, la Bataille du Père Lachaise. Gravure d’Amédée Daudenarde publiée dans le Monde illustré du 24 juin 1871.