Le funiculaire de Belleville | L'Ami du 20ème

Accueil
Sommaire du numéro en kiosque
Quartiers du 20ème
Liens du 20ème
Nous joindre
Acheter le journal
Histoire de l'Ami
Comment participer ?
Les archives du 20ème
Les numéros de 2019
Les numéros de 2018
Les numéros de 2017
Les numéros de 2016
Les numéros de 2015
Les numéros de 2014
Les numéros de 2013
Les numéros de 2012
Les numéros de 2011
Les numéros de 2010
Les numéros de 2009


Le funiculaire de Belleville


40 ans de service                         + Scan du papier que je vous ai envoyé par la Poste

Le funiculaire de Belleville


Vers 1885, près de 40 000 ouvriers, employés et artisans descendaient chaque jour de Belleville pour travailler dans la capitale et remontaient le soir. A cette date, l'ingénieur Fournier propose au Préfet de la Seine d'installer un ascenseur funiculaire entre la place de la République et l'église de Belleville, comme il en existe dans diverses villes d'Europe. Les Bellevillois soutiennent le projet, ainsi que la mairie de l'arrondissement et la chambre de commerce de Paris. Mais la Compagnie Générale des Omnibus à chevaux (CGO) s'oppose au projet, car elle bénéficie, par traités avec la ville, d'un monopole des transports en commun. Finalement les tracasseries administratives et les conflits entre la ville de Paris et le Ministère des Travaux Publics ne permirent le début du chantier qu'en 1890.


Une technique originale

Or la rue de Belleville est étroite et encombrée de nombreuses voitures de marchands des « quatre saisons » ? On dut commencer par réduire les trottoirs, déplacer les canalisations souterraines et se contenter d'une voie unique d'un mètre de large, avec sept stations à double voie où les voitures montantes et descendantes se croisaient. Dans une galerie souterraine médiane, un câble sans fin de 4 Km de long, d'un diamètre de 3 cm, était animé d'un mouvement continu de 11 Km par deux machines à vapeur au service de l'entreprise et situées 101 rue de Belleville.

L'originalité du système est cette rainure centrale qui permet le passage du « gripp », une tige d'acier qui relie chaque voiture au câble et qui est terminée par une mâchoire que le conducteur serre ou desserre à volonté et dans lequel le câble peut être pincé. Cela fait alors participer la machine au mouvement du câble. Deux freins terminent l'équipement, l'un manié par le conducteur, permet les arrêts et l'autre, de sûreté, agit en cas de rupture du câble.

Au début, les voitures ont 22 places. Les départs sont prévus toutes les 5 minutes et le trajet dure 15 minutes. La ligne comporte 5 croisements. Elle est donc divisée en 6 sections, limitées par 7 stations : place de la République, canal Saint-Martin, rue Saint-Maur, boulevard de Belleville, rue Lacroix, rue des Pyrénées et rue du Jourdain. Le tarif est de 0,10 F dans la journée et descend à 0,05 F aux heures de départ et de retour des travailleurs. La ligne fonctionne 18h par jour.


Accidents et contretemps

Une fois les travaux terminés en janvier 1891, Fournier refusa d'en prendre livraison, car il y avait encore des détails accessoires qui ne sont pas au point. Entre temps il avait constitué la Compagnie du Funiculaire pour en assurer l'exploitation.

L'inauguration eut enfin lieu le 27 mai 1891. Ce fut un grand succès populaire : les 8 voitures en service transportèrent près de 3 000 personnes dans la journée inaugurale. Malgré le service d'ordre, au carrefour avec le boulevard de la Villette, une collision se produisit avec une charrette. Le funiculaire dérailla, mais il n'y eut pas de blessés. Dès le 3ème jour d'exploitation, une voiture ayant fait une fausse manœuvre, toutes les vitres se brisèrent et un passant fut blessé. Ce même jour, un cheval attelé à un fiacre s'emballa, effrayé par la trompe qui servait d'avertisseur sur les voitures du funiculaire. Il descendit à fond de train la rue de Belleville, culbutant ses passagers. Enfin, dans la soirée de ce jour fatidique, une poulie se coinça, arrêtant le câble et bloquant toutes les voitures qu'il fallut ramener au dépôt remorquées par des chevaux.

Suite à ces incidents, toute l'installation est arrêtée, révisée et remise en état. La reprise des activités fut retardée encore par une grève de 4 jours du personnel. Le jour de la reprise, le 24 juin, l'épissure du câble céda. Une réparation de fortune permit de tenir jusqu'au lendemain, le temps de joindre les spécialistes. Le lendemain, nouvelle rupture !


Les déboires continuent

Le 5 aout, le câble était déjà usé et il fallut le remplacer. Après plusieurs jours d'arrêt, l'épissure lâcha à nouveau...

Les ennuis du pauvre funiculaire firent le bonheur des journalistes et des chansonniers. Les marchands de jouets en profitèrent pour créer des funiculaires miniature qui, eux, accomplissaient leur trajet sans jamais dérailler, ni tomber en panne.

Le premier gros accident se produisit le 7 décembre 1891. Une voiture perdit l'usage de ses freins dans la descente de la rue de Belleville et percuta la voiture montante : 17 personnes furent blessées.

Les deux années suivantes furent aussi difficiles : pannes, déraillements, ruptures de freins.....tous les trois mois il fallait remplacer le câble et cela prenait une semaine !


Stabilisation, déclin et fin du funiculaire

A partir de 1894 le matériel amélioré devient fiable et les voitures passent à 40 places. Pendant une trentaine d'années le système fonctionna tant bien que mal. Il faillit disparaître en 1909 pour être remplacé par une ligne de métro allant de la place de la République à la Porte des Lilas. Le projet provoqua une levée de boucliers chez les Bellevillois. Des pétitions circulèrent et la municipalité capitula. Il faut dire que la ligne transportait en moyenne 10 000 personnes par jour et rapportait assez bien.

Après la guerre de 1914, comme il n'avait pas été entretenu, le funiculaire subit plusieurs déraillements et son exploitation devint déficitaire. Dès 1920 des pétitions demandèrent qu'il soit doublé d'une ligne de bus. Le Conseil Municipal décida à titre expérimental d'arrêter le funiculaire le 18 juillet 1924 pour 3 semaines et de la remplacer par un autobus appelé F.B. aux mêmes heures et selon le même trajet. L'expérience ayant été rentable, elle fut prolongée jusqu'au 1er juillet 1925.

Après un sommeil d'un an, le funiculaire de Belleville mourut par décision municipale du 16 juillet 1925, dans l'indifférence totale. La société de bus garda les arrêts et leurs abris, le reste alla à la ferraille ou chez divers repreneurs, l'un du câble, l'autre des voitures. La ligne 11 vers la Porte des Lilas remplaça le funiculaire avantageusement.

Jean-Pierre Monnier