40 ans de service + Scan du papier que je
vous ai envoyé par la Poste
Le funiculaire de
Belleville
Vers 1885, près de 40
000 ouvriers, employés et artisans descendaient chaque jour de
Belleville pour travailler dans la capitale et remontaient le soir. A
cette date, l'ingénieur Fournier propose au Préfet de la Seine
d'installer un ascenseur funiculaire entre la place de la République
et l'église de Belleville, comme il en existe dans diverses villes
d'Europe. Les Bellevillois soutiennent le projet, ainsi que la mairie
de l'arrondissement et la chambre de commerce de Paris. Mais la
Compagnie Générale des Omnibus à chevaux (CGO) s'oppose au projet,
car elle bénéficie, par traités avec la ville, d'un monopole des
transports en commun. Finalement les tracasseries administratives et
les conflits entre la ville de Paris et le Ministère des Travaux
Publics ne permirent le début du chantier qu'en 1890.
Une technique
originale
Or la rue de Belleville
est étroite et encombrée de nombreuses voitures de marchands des
« quatre saisons » ? On dut commencer par réduire
les trottoirs, déplacer les canalisations souterraines et se
contenter d'une voie unique d'un mètre de large, avec sept stations
à double voie où les voitures montantes et descendantes se
croisaient. Dans une galerie souterraine médiane, un câble sans fin
de 4 Km de long, d'un diamètre de 3 cm, était animé d'un mouvement
continu de 11 Km par deux machines à vapeur au service de
l'entreprise et situées 101 rue de Belleville.
L'originalité du système
est cette rainure centrale qui permet le passage du « gripp »,
une tige d'acier qui relie chaque voiture au câble et qui est
terminée par une mâchoire que le conducteur serre ou desserre à
volonté et dans lequel le câble peut être pincé. Cela fait alors
participer la machine au mouvement du câble. Deux freins terminent
l'équipement, l'un manié par le conducteur, permet les arrêts et
l'autre, de sûreté, agit en cas de rupture du câble.
Au début, les voitures
ont 22 places. Les départs sont prévus toutes les 5 minutes et le
trajet dure 15 minutes. La ligne comporte 5 croisements. Elle est
donc divisée en 6 sections, limitées par 7 stations : place de
la République, canal Saint-Martin, rue Saint-Maur, boulevard de
Belleville, rue Lacroix, rue des Pyrénées et rue du Jourdain. Le
tarif est de 0,10 F dans la journée et descend à 0,05 F aux heures
de départ et de retour des travailleurs. La ligne fonctionne 18h par
jour.
Accidents et
contretemps
Une fois les travaux
terminés en janvier 1891, Fournier refusa d'en prendre livraison,
car il y avait encore des détails accessoires qui ne sont pas au
point. Entre temps il avait constitué la Compagnie du Funiculaire
pour en assurer l'exploitation.
L'inauguration eut enfin
lieu le 27 mai 1891. Ce fut un grand succès populaire : les 8
voitures en service transportèrent près de 3 000 personnes dans la
journée inaugurale. Malgré le service d'ordre, au carrefour avec le
boulevard de la Villette, une collision se produisit avec une
charrette. Le funiculaire dérailla, mais il n'y eut pas de blessés.
Dès le 3ème jour d'exploitation, une voiture ayant fait une fausse
manœuvre, toutes les vitres se brisèrent et un passant fut blessé.
Ce même jour, un cheval attelé à un fiacre s'emballa, effrayé
par la trompe qui servait d'avertisseur sur les voitures du
funiculaire. Il descendit à fond de train la rue de Belleville,
culbutant ses passagers. Enfin, dans la soirée de ce jour fatidique,
une poulie se coinça, arrêtant le câble et bloquant toutes les
voitures qu'il fallut ramener au dépôt remorquées par des chevaux.
Suite à ces incidents,
toute l'installation est arrêtée, révisée et remise en état. La
reprise des activités fut retardée encore par une grève de 4 jours
du personnel. Le jour de la reprise, le 24 juin, l'épissure du câble
céda. Une réparation de fortune permit de tenir jusqu'au lendemain,
le temps de joindre les spécialistes. Le lendemain, nouvelle
rupture !
Les déboires
continuent
Le 5 aout, le câble
était déjà usé et il fallut le remplacer. Après plusieurs
jours d'arrêt, l'épissure lâcha à nouveau...
Les ennuis du pauvre
funiculaire firent le bonheur des journalistes et des chansonniers.
Les marchands de jouets en profitèrent pour créer des funiculaires
miniature qui, eux, accomplissaient leur trajet sans jamais
dérailler, ni tomber en panne.
Le premier gros accident
se produisit le 7 décembre 1891. Une voiture perdit l'usage de ses
freins dans la descente de la rue de Belleville et percuta la voiture
montante : 17 personnes furent blessées.
Les deux années
suivantes furent aussi difficiles : pannes, déraillements,
ruptures de freins.....tous les trois mois il fallait remplacer le
câble et cela prenait une semaine !
Stabilisation, déclin
et fin du funiculaire
A partir de 1894 le
matériel amélioré devient fiable et les voitures passent à 40
places. Pendant une trentaine d'années le système fonctionna tant
bien que mal. Il faillit disparaître en 1909 pour être remplacé
par une ligne de métro allant de la place de la République à la
Porte des Lilas. Le projet provoqua une levée de boucliers chez les
Bellevillois. Des pétitions circulèrent et la municipalité
capitula. Il faut dire que la ligne transportait en moyenne 10 000
personnes par jour et rapportait assez bien.
Après la guerre de 1914,
comme il n'avait pas été entretenu, le funiculaire subit plusieurs
déraillements et son exploitation devint déficitaire. Dès 1920 des
pétitions demandèrent qu'il soit doublé d'une ligne de bus. Le
Conseil Municipal décida à titre expérimental d'arrêter le
funiculaire le 18 juillet 1924 pour 3 semaines et de la remplacer par
un autobus appelé F.B. aux mêmes heures et selon le même trajet.
L'expérience ayant été rentable, elle fut prolongée
jusqu'au 1er juillet 1925.
Après un sommeil d'un
an, le funiculaire de Belleville mourut par décision municipale du
16 juillet 1925, dans l'indifférence totale. La société de bus
garda les arrêts et leurs abris, le reste alla à la ferraille ou
chez divers repreneurs, l'un du câble, l'autre des voitures. La
ligne 11 vers la Porte des Lilas remplaça le funiculaire
avantageusement.
Jean-Pierre
Monnier