« La peur des
migrants (Crédit : Yannick
Boschat)
n’est pas une peur
chrétienne »
L’accueil des
migrants était à l’ordre du jour, le vendredi 29 septembre, du
conseil élargi de l’archevêque. Cette question intervenait dans
un contexte tendu : devant l’exhortation incessante du Pape à
accueillir ceux qui fuient leur pays, certains émettent de franches
réserves. Éclairage avec Mgr Denis Jachiet, évêque auxiliaire de
Paris.
Paris Notre-Dame –
Pourquoi mettre, aujourd’hui, à l’ordre du jour du conseil
élargi de l’archevêque, la question de l’accueil des migrants
?
Mgr
Denis Jachiet – Nous avons voulu
nous préparer à deux évènements majeurs : la Journée mondiale
des pauvres, le 19 novembre, et la Journée mondiale du migrant et du
réfugié, le14 janvier. Paris est une plaque tournante de flux
migratoires. Actuellement, 56 paroisses parisiennes font quelque
chose pour les migrants. Certaines accueillent d es familles,
d’autres proposent des cours de français, de l’aide juridique…
Mais nous voulons lancer quelque chose de neuf. Ces deux
journées sont l’occasion de le faire. Même s’il est
encore trop tôt pour détailler notre projet, nous
voudrions offrir la possibilité aux paroisses
d’entendre
des témoignages de migrants, de les rencontrer. Nous voudrions ainsi
que, dans chaque paroisse, il y ait un ou deux « témoins » qui
puissent relayer à la communauté la réalité du terrain. Une fois
que les paroissiens sauront par exemple que, parmi ces migrants, il y
a des mineurs qui réussissent leurs études malgré les drames
qu’ils ont traversés, le regard porté sur les migrants sera
différent
P. N.-D. –
Pourquoi est-il encore nécessaire de penser des initiatives afin de
changer le regard que certains peuvent porter sur les migrants ?
D.
J. – Parce que, face aux migrants,
la plupart des gens ressentent un danger. Ils les assimilent, je
crois, à des peurs ancestrales liées à la question des
invasions et à la peur de l’islam. Mais
cette peurn’est pas chrétienne. Une peur chrétienne serait
une peur de pécher, de ne pas vivre
l’Évangile. La peur païenne, c’est la peur d’être envahi. Et
celle-ci nous conduit à ne plus penser
l’Évangile comme un trésor à annoncer mais comme une espèce de
capital en train de se perdre pour des raisons
géopolitiques. C’est triste. C’est prendre l’Évangile à
l’envers.
P.
N.-D. – Le Pape ne cesse de le rappeler. Mais
il s’attire les foudres de certains…
D.
J. – Le pape François s’inscrit
dans une époque où les flux migratoires en Europe augmentent. Les
nations européennes tentent de gérer ces flux. Mais elles le font
malheureusement en ordre dispersé. Il y a des échéances politiques
: notamment ces deux accords mondiaux sur la question de la migration
qui se négocieront en 2018. Tous les États, y compris le Vatican,
doivent apporter leur vision des choses. Mais le pape n’est pas
naïf. Il
n’est
pas contre le devoir des pays de réguler les flux migratoires. Il
rappelle juste le message de l’Évangile, de la doctrine sociale de
l’Église, à savoir qu’on ne peut pas être indifférent à son
frère. Une fois qu’une personne est entrée sur notre territoire,
nous ne pouvons pas la considérer comme une chose. Nous avons le
devoir de l’accueillir, de la protéger, de la promouvoir et de
l’intégrer. « J’étais un étranger et vous m’avez accueilli.
»
C’est
la rencontre avec le Christ qui se joue.
Propos
recueillis par Isabelle Demangeat
3300
Article paru dans
l'hebdomadaire "Paris Notre Dame", qui nous a aimablement
autorisés à le reproduire dans nos colonnes.
Légende de la photo
Mgr
Denis Jachiet, évêque auxiliaire de Paris, est chargé de la
Pastorale des migrants au sein de la commission épiscopale pour la
mission universelle de l’Église.